Les façades Garonne de l’Hôtel-Dieu

Mis à jour le

Classé monument historique, l’Hôtel-Dieu fait actuellement l’objet de travaux de restauration afin de lui redonner son éclat d’origine. Cependant, au-delà du visible depuis les rives du fleuve, c’est bien l’état structurel de l’aile Garonne qui est une préoccupation ancienne des décideurs hospitaliers…

Entre novembre 2022 et mars 2023, la pile de l’ancien Pont Couvert de la Daurade – appelé aussi Pont Vieux – a bénéficié d’une restauration. Ces travaux ont été menés par le CHU de Toulouse, maître d’ouvrage, en cohérence avec la future réhabilitation des façades de l’Hôtel-Dieu Saint-Jacques.

Au cours de cette opération, une découverte majeure a été faite le 16 janvier 2023 par l’équipe archéologique de Toulouse Métropole : une statue peut-être datée du XVIème siècle maçonnée dans la pile du Pont.
Les ouvriers qui travaillaient sur le site n’ont d’abord remarqué qu’un morceau du drapé de la tunique du personnage ainsi qu’un bout du socle qui apparaissaient à la jonction de la façade et du muret. Une fois le mortier dégagé, la statue est progressivement apparue.

La pile du Pont Couvert de la Daurade, avant restauration

Ce que l’on sait à ce jour, c’est que cette statue, datée probablement du XVIème siècle, a dû se casser à une date indéterminée puis peut-être retirée de son emplacement originel et remisée car devenue sans utilité.
Au XVIIème siècle, alors que le pont n’était déjà plus ouvert à la circulation (le Pont Neuf était ouvert dès 1632), la statue a fait l’objet d’un réemploi, pratique très courant depuis la plus haute Antiquité en architecture - mais pas seulement : Sur tous les sites archéologiques, il est fréquent d’observer une maçonnerie utilisant des pierres diverses, chapiteaux de colonnes, statuaire etc… appartenant à d’autres édifices, époques, ou lieux et considérés sur le moment comme matériau de recyclage.

La statue brisée a due être maçonnée dans la pile du pont dans le cadre peut-être de travaux de renforcement.

Haute de près d’un mètre, un tiers de l’oeuvre est toutefois manquant (notamment la tête), ce qui ne permet pas de l’identifier de façon formelle. Une inscription à la base de son socle laisse penser qu’il s’agit vraisemblablement d’une représentation de Saint-Jacques. Très bien sculptée sur sa face avant, l’arrière ne présente au contraire aucun détail, elle devait donc être adossée à une façade.

Après cette opération de terrain, la statue est partie dans l’atelier de restauration de la Mairie de Toulouse où elle sera restaurée et fera l’objet d’une étude comparative et d’une étude stylistique pour l’identifier scientifiquement.

La Pile du Pont Couvert restaurée, la suite pouvait être entreprise ...

Depuis toujours et ce jusqu’à la fin du XIXème siècle, la vie de Toulouse et du quartier Saint-Cyprien en particulier est rythmée par le gonflement des eaux de la Garonne qui sort de son lit en moyenne tous les dix ans, de manière plus ou moins meurtrière. Lors de l’inondation de 1875, les eaux emportèrent en partie « le pilier de la Chapelle » : nom donné à la pile centrale de la Garonne dont une petite partie a subsisté jusqu’en 1949.

La vie des édifices en bordure du fleuve – et leur résistance structurelle – a toujours été fortement impactée par les inondations. L’aile Garonne de l’Hôtel-Dieu et le dernier vestige du Pont de la Daurade entrent dans ce cas de figure.

La façade Garonne et la pile du Pont de la Daurade, en 1922 Photo Musée du Vieux Toulouse

Dès 1948, un risque d’écroulement de l’édifice était signalé, le doute régnait sur la solidité des fondations. Dans les années 1950, l’Hôtel-Dieu se trouvait dans le même état que dans les années 1920… avec quelques décennies en plus. Au début de l’année 1950 certaines salles communes sont même évacuées, les combles débarrassés pour soulager l’édifice. L’accord pour la réalisation de travaux est validé pour l’année suivante.

En 1953 le verdict tombe : les rapports sur l’état les fondations conduisent à une seule alternative : démolir l’aile Garonne ou la consolider …

Panorama de l’Hôtel-Dieu La Pile du Pont de la Daurade située au milieu de fleuve, en partie emportée en 1875, et démolie en 1949

Tel est le titre d’un article du journal Le Patriote du 26 mars 1953 écrit par Jean Sibillaud, vice-président de la Caisse régionale de Sécurité sociale : « Nous sommes quant à nous pour l’abandon de l’Hôtel-Dieu comme hôpital et son maintien comme monument historique faisant partie du patrimoine communal qui serait criminel de laisser disparaître. »
Le spectre de l’effondrement du clocher de l’église de la Dalbade en 1927 est agité pour mettre les pouvoirs publics devant leurs responsabilités.

En 1953 la Pile du Pont accolée au bâtiment est restaurée et l’année suivante – alors que l’aile Garonne est déjà déserte depuis 4 ans – la réfection du mur baignant dans le fleuve est décidée. Les grands travaux commencent en 1955 et à la fin de cette année les travaux de consolidation de l’aile sont achevés.

En 1958, l’ancienne entrée de l’Hôtel-Dieu, en bout de rampe depuis le Pont Neuf, est démolie et le nouvel accès depuis la rue Viguerie est opérationnel.

L’ancienne entrée de l’Hôtel-Dieu, en bout de rampe accessible depuis le Pont-Neuf Document Jules Barbot, 1905

Au début des années 1960, l’Hôtel-Dieu prenait le visage que nous lui connaissons aujourd’hui … Mais plus de soixante ans plus tard, de nouveaux défis sont à l’ordre du jour…

Les travaux de rénovation en deux phases, de 2023 à 2025

L’initiative qui aujourd’hui est menée par le CHU de Toulouse s’inscrit dans une double volonté de restauration et de préservation du patrimoine historique d’une part ; ainsi que de mise en conformité réglementaire (rénovation énergétique) nécessitant une adaptation aux normes actuelles, d’autre part.

L’opération de restauration des façades de l’Hôtel-Dieu fait suite à un diagnostic patrimonial réalisé par l’architecte en chef des Monuments Historiques en 2018, qui avait établi des désordres importants, constituant une fragilité structurelle.

L’opération permet ainsi d’assurer la pérennité de l’édifice.

Elle s’accompagne en outre d’une rénovation complète des menuiseries qui contribue à renforcer l’isolation acoustique et thermique des lieux, dans le cadre du plan de sobriété énergétique du CHU de Toulouse. Enfin, ces travaux répondent aux exigences d’entretien des façades des immeubles du centre historique de Toulouse, exigences fixées au CHU par arrêté municipal conformément au code la construction.

La restauration des façades a démarré à l’automne 2023 et se poursuivra entre novembre et mars de chaque année sur trois ans, respectant ainsi la période de nidification des martinets pâles à partir du printemps. Cette espèce - nidifiant habituellement à flanc de falaise au dessus de la mer - a en effet choisi la façade de l’Hôtel-Dieu comme nichoir de prédilection !

Les fameuses bandes blanches … présentes sur cette carte postale de 1906 ! Coll. Gérard Charité

Du point de vue budgétaire, tout repose sur un financement dédié, défini par le CHU sans obérer ses capacités d’investissement de restructuration et médical par ailleurs, sur un soutien de mécénat apporté par l’Institut Saint Jacques, le fonds de dotation du CHU, et sur une demande de financement en cours d’instruction auprès la DRAC.

A l’occasion de ses actions de préservation du patrimoine, le CHU de Toulouse s’inscrit dans une vision durable et responsable.